Causerie mensuelle du CIRA-Marseille.
Comment (et pourquoi) être un intellectuel anarchiste, dans un siècle
qui se vante d’avoir écarté le spectre révolutionnaire, quitte à faire
de l’« indignation » une valeur à la mode ?
C’est en militant et en écrivain que Claude Guillon tente de répondre à
cette double question, dans les articles, tracts et « posts » de blog
ici réunis.
Sans jamais céder à la démagogie, il veut contribuer à élaborer, dans la
vie quotidienne et dans les luttes auxquelles il participe, une théorie
anarchiste à la portée de toutes et de tous, une pensée critique
libertaire, une philosophie pratique.
Sans égards pour les dogmes de la radicalité ou de l’anarchisme, et ceux
qui les incarnent, il dialogue vivement avec les admirateurs de Noam
Chomsky et les « casseurs » de Poitiers, ridiculise gentiment le père
d’un anonyme célèbre (J. Coupat), et critique le goût déplorable des
Femen pour la publicité, le mannequinat et les normes dominantes de la
beauté. C’est néanmoins aux baudruches post-modernes qu’il réserve ses
traits les plus acérés (Michel Onfray), ce qui nous vaut de belles pages
polémiques, qui rappellent que de tout temps la critique et la satire
servent le plaisir de la lecture.
L’on peut, et l’on doit, estime Guillon, être capable d’analyser aussi
bien le nouveau dispositif international de « guerre mondiale dans un
seul pays », justifié par la lutte « antiterroriste », les normes
corporelles imposées aux femmes et le danger de judiciarisation des
conflits dans les relations affectives.
Claude Guillon est sans doute le seul, sous nos latitudes, à accorder
une importance aussi grande à ce qu’il appelle le « corps critique »,
qu’il s’agisse de récuser le mythe masculin des « besoins sexuels » (qui
justifient la prostitution), de défendre la perspective d’une utopie
amoureuse ou de construire une « théorie du genre », qui semble effrayer
tout le monde.
Comment peut-on être anarchiste ? D’abord en mettant à la disposition de
toutes et tous une pensée – et une écriture ! – mordante, optimiste et
jouissive.
Né en 1952, Claude Guillon a publié en 1982 Suicide, Mode d’emploi, une
réflexion sur le droit à la mort. Vendu à plus de 100 000 exemplaires,
le livre sera interdit neuf ans après sa parution. Spécialiste de la
Révolution française et des libertés publiques, il est l’auteur d’une
douzaine d’ouvrages, parmi lesquels Deux enragés de la Révolution.
Leclerc de Lyon et Pauline Léon (La Digitale, 1993), Je chante le corps
critique (H&O, 2008), La Terrorisation démocratique (Libertalia,
2009).